26-08-2022

Par jugement du 29 avril 2022, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a condamné une société active dans commercialisation de produits d’entretien au paiement de l’indemnité de 6 mois visée par la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes.

Elle a également condamné cette société au paiement de dommages-intérêts en faveur de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IEFH).

Les faits peuvent être résumés comme suit :

Une employée, représentante commerciale des produits d’entretien, annonça sa grossesse le 24 septembre 2019 et fut en incapacité de travail à partir du 13 novembre 2019, incapacité prolongée à de nombreuses reprises.

Le 22 novembre 2019, cette employée demanda à être vue par la médecine du travail, cette demande étant réitérée par son organisation syndicale. Elle fut examinée le 16 décembre 2019 et déclarée inapte à poursuivre ses activités jusqu’à la fin de sa grossesse.

Le 10 mars 2020, l’IEFH estima que l’attitude de l’employeur consistant à ne pas avoir fait examiner la travailleuse (ce qui avait été fait 3 mois avant) et à ne pas avoir procédé à une analyse des risques (qui ne fut pas effectuée) en application de l’article 41 de la loi sur le travail était constitutive de légèreté coupable et discriminatoire.

L’employée et l’IEFH (qui demandait le paiement de dommages-intérêts) ont entamé la procédure sur cette base et le tribunal a suivi leur thèse.

Après avoir rappelé les dispositions de l’employeur fixées à l’article 41, alinéa 1er de la loi du 16 mars 1971 et au titre 5 du Code du bien-être au travail et constaté que les obligations relatives à l’analyse des risques n‘avaient pas été respectées par l’employeur, il a considéré que ce non-respect était discriminatoire.

Il s’est basé, à l’appui de son raisonnement, sur deux arrêts de la Cour de Justice de l’Union Européenne (affaire C-531/15, arrêt de la CJUE du 19 octobre 2017 et affaire C-41/17, arrêt de la CJUE du 19 septembre 2018).

Dans ces deux cas, les plaignantes demandaient, notamment, l’application de la directive 92/85 du Conseil concernant la mise en œuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail….

Ayant rappelé les 8, 9, et 10èmes considérants  de cette directive, le Tribunal a décidé : «  … après avoir rappelé les exigences auxquelles l’évaluation des risques présentés par le poste de travail d’une travailleuse enceinte devait répondre conformément à l’article 4§1er de la directive 92/85, la CJUE a notamment considéré que le fait de ne pas évaluer le risque présenté par le poste de travail d’une travailleuse allaitante… doit être considéré comme un traitement moins favorable d’une femme lié à la grossesse ou au congé de maternité … et constitue une discrimination directe fondée sur le sexe.. ;

Le fait de ne pas avoir procédé à une quelconque analyse des risques, en violation de l’article 41 de la loi du 10 mai 2007, constitue un traitement moins favorable d’une femme liée à la grossesse et constitue de fait une discrimination directe fondée sur le sexe…

L’existence d’une discrimination directe ou directe ne suppose pas que l’auteur de la mesure contestée ait cherché délibérément à défavoriser une personne en raison de son genre ou de sa grossesse : il suffit que cette mesure ait pour effet de générer une distinction directe ou indirecte pour qu’il y ait discrimination.

Pour qu’il y ait discrimination, il suffit donc qu’une personne pose un acte qui revêt un caractère discriminatoire aux termes de la loi. La question de savoir si elle avait ou non l’intention de discriminer n’entrant pas en ligne de compte. Autrement dit c’est le fait discriminatoire, et non l’intention, qui importe… ».

 

Qu’en penser ?

 

Par cette décision, le Tribunal considère, que l’absence d’analyse des risques fixée à l’article 41 de la loi du 16 mars 1971, est, quasi de facto, discriminatoire par rapport aux femmes enceintes ou allaitantes et ce dans un cas où la travailleuse était déjà en incapacité de travail avant même sa demande d’être examinée par la médecine du travail, médecine du travail qui la déclara en tout état de cause inapte à la fonction jusqu’à la fin de la grossesse.

Le Tribunal a par ailleurs condamné la société au paiement de dommages -intérêts en faveur de l’IEFH parce que la société aurait persisté dans son attitude malgré les interpellations relatives à l’état de santé de la travailleuse.

Or, cette persistance ne peut viser que l’analyse des risques étant donné que la travailleuse avait bien été examinée par la médecine du travail qui l’avait déclarée inapte.

Retour