29-03-2024

Monsieur V. a exercé la fonction de « brigadier » au sein d’un garage automobile depuis le 4 janvier 1977. 

Le 1er octobre 2018, le garage automobile a été repris par une nouvelle société. 

Le 12 octobre 2018, soit moins de deux semaines après le rachat, Monsieur V. a été convoqué à un entretien par le nouveau gérant. 

À l’issue de cet entretien, les parties ont signé une convention de rupture de commun accord, qui a pris effet immédiatement. Chacune des parties a renoncé à ses droits. 

Monsieur V. a signé également pour accord un document qui se lit comme suit : « Je soussigné […] déclare mettre fin au contrat de travail qui me lie avec [la société], représentée par Monsieur S., pour raisons internes (vol)  ».

Le 16 octobre 2018, le conseil de Monsieur V. a adressé une mise en demeure à l’employeur afin de dénoncer le vice de consentement de son client, en raison du chantage opéré par le gérant lors de cet entretien afin d’obtenir la signature de Monsieur V. Dans ce courrier, il est expliqué que Monsieur V. a pris un joint de culasse de son domicile afin d’accélérer la réparation d’un véhicule d’un client car il n’y en avait plus en stock au garage. Le 12 octobre 2018, Monsieur V. a récupéré un joint de culasse dans le stock afin de remplacer celui qu’il avait apporté de chez lui. 

Il y a lieu de noter que l’employeur n’a réalisé aucune enquête sérieuse pour confirmer ou infirmer ses soupçons de vol avant de convoquer Monsieur V. à l’entretien.

Monsieur V. a ensuite soumis le litige aux juridictions du travail.

Dans son arrêt du 11 janvier 2024, la Cour du travail de Liège, division Namur constate la nullité de l’accord obtenu par vice de consentement et condamne l’employeur au paiement de l’indemnité compensatoire de préavis.

Dans son appréciation du vice de consentement (la violence morale in casu), la Cour relève que Monsieur V. a été convoqué à un entretien improvisé, dans l’ignorance totale du motif de sa convocation. Par conséquent, il n’a eu aucune possibilité de préparer sa défense et de se faire assister lors de cet entretien, au terme duquel il a été amené à signer un document préétabli actant la rupture des relations de travail et actant une renonciation à ses droits.

La Cour relève également que la signature de la convention de rupture a été obtenue sous la menace d’un licenciement pour motif grave et d’une plainte pénale (qui finalement sera déposée mais aboutira à un non-lieu). Selon la Cour, ces éléments sont d’une nature suffisante pour être constitutifs d’une menace injustifiée et illicite à l’encontre de Monsieur V.

La Cour termine en soulignant que Monsieur V. a invoqué la nullité de la convention sans délai, condition nécessaire pour établir l’existence de la contrainte morale dont il a été victime.

Sur ces bases, la Cour fait droit à la demande de Monsieur V. et constate la nullité de la convention de rupture, en raison du vice de consentement dans le chef de Monsieur V.

 

Qu’en penser ?

 

Le travailleur qui souhaite dénoncer la signature d’une convention de rupture de commun accord en raison de la violence morale dont il a été victime doit le faire sans délai, en plus d’être en mesure de démontrer que les circonstances de la signature du courrier ont été telles que son consentement a été vicié.

 

Réf. : C.T. Liège (div. Namur), 11 janvier 2024, RG n° 2023/AN/7

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