06-05-2025
Madame A. travaille en qualité d’aide-soignante au sein d’une maison de repos. Elle preste sur base d’un horaire à temps plein.
Elle connaît une longue période d’incapacité de travail au terme de laquelle elle reprend le travail dans le cadre d’un mi-temps médical.
Ce mi-temps médical est ensuite reconduit à plusieurs reprises durant plusieurs années.
Dans ce cadre, le régime de travail de Madame A. à mi-temps est organisé par demi-journées de prestations, le matin ou l’après-midi, weekend compris. Un personnel distinct est en charge des prestations de nuit au sein de la maison de repos.
À partir de janvier 2022, l’infirmière-cheffe de service a accédé à la demande de Madame A. d’adapter son horaire pour éviter les prestations en matinée et l’affecter à l’horaire de 16 heures à 20 heures ou de 16 heures 30 à 20 heures 30, weekend compris.
En octobre 2022, toutefois, l’employeur émet le souhait que Madame A. travaille également certaines matinées. L’employeur se prévaut, pour ce faire, de la nécessité qui est la sienne d’assurer la continuité du service, ainsi que de sa volonté de se montrer équitable par rapport aux autres membres du personnel.
Suite au refus de Madame A., l’employeur saisit le médecin du travail qui rédige un formulaire d’évaluation de santé dans lequel il considère que Madame A. a les aptitudes suffisantes pour le poste d’aide-soignante et indique la recommandation suivante : « Selon certificat du médecin-traitant, prolongation du mi-temps médical. Adaptation de l’horaire souhaité, travail les après-midis et pas les matinées. »
Nonobstant ce fait, l’employeur refuse à Madame A. la poursuite des prestations réduites pour raisons médicales à concurrence de 50 %, à partir du 7 décembre 2022
Madame A. conteste cette décision devant les juridictions du travail.
Par un arrêt du 7 novembre 2024, la Cour du Travail de Bruxelles lui donne raison.
Pour ce faire, la Cour rejette les différents arguments avancés par l’employeur et considère que l’aménagement des conditions de travail souhaité par Madame A. – travailler uniquement l’après-midi – n’est pas de nature à imposer à l’employeur une charge disproportionnée.
La Cour relève que cet aménagement de travail a été accepté par l’employeur pendant de nombreux mois sans qu’il soit démontré que cela aurait posé le moindre problème organisationnel. De même, cet aménagement n’a pas eu d’incidence sur la possibilité, pour Madame A. de pouvoir participer aux réunions et briefings du service.
Analysant l’argument tiré du manque d’équité à l’égard de ses collègues, la Cour souligne que le handicap de Madame A. autorise qu’un traitement différencié lui soit appliqué, de sorte qu’il ne s’agit pas de céder à des « convenances personnelles » pas plus que de créer un précédent au sein du service.
Enfin, la Cour considère que le fait d’inviter Madame A. à régler elle-même la question de ses horaires, en sollicitant ses collègues pour échanger leurs périodes de prestations, ne peut être admis, dès lors que cela reviendrait à contraindre Madame A. à solliciter de manière répétitive la bienveillance et la bonne volonté de ses collègues pour obtenir d’eux un aménagement auquel elle a droit et qui doit être organisé par son employeur.
Partant, la Cour du Travail considère que Madame A. a été victime, de la part de son employeur, d’une discrimination fondée sur son handicap, et condamne celui-ci à lui payer une indemnité correspondant à 6 mois de rémunération. Elle enjoint par ailleurs à l’employeur de réintégrer Madame A. dans un horaire adapté, conformément à sa demande.
Qu’en penser ?
Le fait, pour un employeur, de refuser d’affecter un travailleur, à titre d’aménagement raisonnable, à un horaire de travail à mi-temps ne prévoyant pas de prestations en matinée, conformément aux recommandations formulées par le médecin, peut constituer une discrimination fondée sur le handicap si l’employeur échoue à rapporter la preuve que cet aménagement est de nature à lui imposer une charge disproportionnée.
Réf . : C.T. Brux., 7 nov. 2024, RG n° 2024/AB/169