22-05-2025
Les faits :
Une candidate de confession musulmane, portant le foulard, postule à un emploi au sein de la Ville de Bruxelles. Lors de l’entretien, elle exprime son refus de retirer ce signe religieux si elle est engagée. Sur cette base, la Ville met fin à la procédure de recrutement, invoquant son règlement de travail imposant une stricte neutralité et interdisant tout signe convictionnel (religieux, politique ou philosophique) dans le cadre du service public.
La candidate saisit la justice en référé pour faire constater une discrimination fondée sur la religion et obtenir cessation et réparation. Déboutée en première instance, elle interjette appel.
La décision :
La Cour du travail constate que l’interruption du processus de recrutement constitue une distinction indirecte fondée sur les convictions religieuses, dans la mesure où la règle de neutralité appliquée, bien que générale, touche plus particulièrement certaines convictions manifestées visiblement, comme le port du foulard. Toutefois, la Cour estime que cette distinction est objectivement justifiée.
Elle considère que :
Le but poursuivi – garantir un espace administratif totalement neutre – est légitime, au regard du principe de neutralité des services publics ;
Les moyens – interdiction de tout signe convictionnel pour tous les agents – sont appropriés et nécessaires dans ce cadre, d’autant que cette politique est appliquée de manière cohérente et systématique à tout le personnel ;
Le règlement de travail et le code de déontologie sont accessibles et prévisibles, donc opposables dans le processus de recrutement.
La Cour estime donc qu’il n’y a pas de discrimination au sens de la législation applicable (que ce soit la loi du 10 mai 2007 ou l’ordonnance bruxelloise du 25 avril 2019).
Enseignements :
Suivant cette décision, la mise en œuvre d’une politique de neutralité exclusive par un employeur public, interdisant le port de tout signe convictionnel, peut être légalement justifiée, pour autant qu’elle soit générale, cohérente et proportionnée. Une distinction indirecte fondée sur la religion n’est pas nécessairement discriminatoire si elle répond à ces critères. L’arrêt met en lumière une marge d’appréciation reconnue aux pouvoirs publics locaux en matière de neutralité.
Source : Cour trav. Bruxelles, 2ème ch., 15 III 2024, R.G. n° 2023/AB/755, JTT, 2025, à paraître.