20-06-2025
Le Docteur C. est médecin spécialiste en ORL et en chirurgie cervico-faciale.
L’article 5 du contrat qui le lie au Centre hospitalier qui l’occupe prévoit que « le contrat est conclu pour une durée indéterminée et prend fin de plein droit, sauf dérogations octroyées par le Conseil Exécutif sur avis de Conseil médical, lorsque le Docteur atteint l’âge de 67 ans ».
Le Dr C. n’a pas demandé de dérogation pour pouvoir poursuivre son activité au sein du Centre hospitalier. Il a atteint l’âge de 67 ans le 17 avril 2020.
Par une lettre datée du 8 mai et un courriel du 12 mai 2020, le médecin-chef de site a pris acte de la fin de la collaboration entre le Dr C. et le CHIREC en date du 17 avril 2020, jour de son 67ème anniversaire.
Le Docteur C. conteste cette décision devant les juridictions du travail.
Il fonde sa demande sur les dispositions contenues dans la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination.
Dans un arrêt du 22 janvier 2025, la Cour du Travail commence par rappeler que la loi du 10 mai 2007 interdit toute forme de discrimination fondée sur un critère protégé par la loi. Parmi ces critères figure l’âge. On entend par discrimination directe un traitement défavorable appliqué à une personne sur la base d’un critère protégé – en l’occurrence l’âge – à moins que ce traitement défavorable puisse être justifié conformément à la loi. En matière de relations de travail, une distinction directe fondée sur l’âge peut être justifiée :
- soit par des exigences professionnelles essentielles et déterminantes, c’est-à-dire qu’une caractéristique déterminée liée à l’âge est essentielle et déterminante en raison de la nature des activités professionnelles spécifiques concernées ou du contexte dans lequel celles-ci sont exécutées et que l’exigence repose sur un objectif légitime et est proportionnée par rapport à celui-ci ;
- soit par un objectif légitime qui la justifie objectivement et raisonnablement, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail ou tout autre objectif légitime comparable, pour autant que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires.
En l’espèce, la Cour du Travail constate que la règle interne au Centre hospitalier prévoit un traitement défavorable pour les médecins ayant atteint l’âge de 67 ans, en ce qu’ils ne peuvent pas poursuivre leur pratique au sein de l’institution, sauf dérogation. Il s’agit d’une distinction directe fondée sur l’âge, au sens de la loi du 10 mai 2007.
Il convient donc de vérifier si les objectifs invoqués par l’employeur sont légitimes et proportionnés. Sur ce point, le Centre hospitalier invoque la continuité des soins, l’optimalisation de la gestion du corps médical par la prévention des litiges et des situations infamantes pour les médecins ainsi que la rotation des cadres et la succession des générations, c’est-à-dire la relève du corps médical de l’institution.
La Cour du Travail relève que les objectifs invoqués relèvent de la politique médicale, hospitalière et sociale et qu’ils sont conformes à la mission d’intérêt général attribuée aux hôpitaux.
Elle retient par ailleurs l’argument, invoqué par le Centre hospitalier, de la continuité des soins, qui requiert notamment de se prémunir du risque de devoir remplacer inopinément un médecin qui décide de cesser son activité ou qui n’est plus à même d’assurer les soins. La Cour du Travail retient aussi que la mesure est apte à prévenir les litiges portant sur l’aptitude du médecin à exercer son activité au-delà d’un certain âge et à éviter toute situation infamante vis-à-vis de médecins, consistant en leur écartement abrupt pour inaptitude. En outre, la mesure est apte à permettre la rotation des cadres et la succession des générations, et ainsi la relève du corps médical.
La Cour du Travail en déduit que la mesure consistant à mettre fin à l’occupation des médecins lorsque ceux-ci atteignent l’âge de 67 ans n’est pas discriminatoire.
Qu’en penser ?
Une règle générale prévoyant la cessation de plein droit à 67 ans d’un contrat de travail liant un médecin à un Centre hospitalier est objectivement et raisonnablement justifiée par des objectifs légitimes de politique médicale, hospitalière et sociale et est appropriée à ces objectifs et nécessaire pour l’atteindre. Cette règle n’est pas discriminatoire.
Réf. : C.T. Brux., 22 janv. 2025, R.G. n° 2023/AB/423