15-07-2025
Monsieur V. est entré au service d’une société fabriquant et concevant des conduits de cheminée et de ventilation en 1980.
Au fil des années, Monsieur V. a gravi les échelons au sein de la société et est devenu directeur technique et des opérations, en 2004.
Quelques années plus tard, Monsieur C. est devenu directeur général de la société.
A partir de ce moment, Monsieur V. indique avoir fait l'objet de harcèlement moral au travail de la part de Monsieur C..
Le 19 septembre 2018, Monsieur V. a été évalué pour la première fois par Monsieur C..
Dans les mois qui ont suivi cette évaluation, Monsieur C. a envoyé divers mails à Monsieur V. concernant certains problèmes constatés et lui demandant des explications.
En raison de son état de mal-être lié aux faits précités, Monsieur V. a été en incapacité de travail à partir du 04 février 2019.
En juin 2019, le groupe européen dont fait partie l’employeur de Monsieur V. a décidé de mener un audit social au sein de sa filiale belge.
Une dizaine de travailleurs ont été rencontrés par l’auditeur. Lors de ces entretiens, certains travailleurs ont dénoncé des faits tels que la réalisation par les ouvriers de travaux au domicile et sur la remorque personnelle de Monsieur V. durant les heures de travail ainsi que la réalisation de pièces pour l’usage privé de Monsieur V.
Le 18 juin 2019, Monsieur V. a été convoqué pour être entendu.
Le 21 juin 2019, Monsieur V. s’est vu notifier son licenciement pour motif grave.
Monsieur V. a contesté judiciairement son licenciement pour motif grave.
Dans le cadre de la procédure judiciaire, Monsieur V. a sollicité une indemnité pour harcèlement moral au travail.
Selon l’article 32bis de la loi du 04 août 1996 relative au bien-être des travailleurs lors de l’exécution de leur travail, les employeurs, les travailleurs et les personnes assimilées sont tenues de s’abstenir de tout acte de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.
Cette loi définit le harcèlement moral au travail. Il ressort de cette définition légale du harcèlement moral au travail que les conditions suivantes doivent être remplies :
- Un ensemble abusif de plusieurs conduites similaires ou différentes ;
- Des conduites externes ou internes à l’entreprise ou à l’institution ;
- Des conduites que se produisent pendant un certain temps ;
- Des conduites volontaires ou involontaires ;
- Des conduites qui ont lieu lors de l’exécution du travail.
Le législateur a mis en place un système de partage de la charge de la preuve au sein de l’article 32undecies de la loi du 04 août 1996 prévisée.
La personne qui soutient être victime de harcèlement doit apporter la preuve de faits qui permettent de présumer l'existence de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail. Il ne suffit pas d’alléguer l’existence de tels faits, il faut les prouver.
Lorsque cette preuve est rapportée, il appartient alors à la partie adverse de prouver qu’il n'y a pas eu de violence ou de harcèlement moral ou sexuel au travail.
En l’espèce, Monsieur V. soutenait avoir été victime de harcèlement moral de la part de Monsieur C.
S’agissant de son supérieur hiérarchique, il convient de vérifier si les faits invoqués s’inscrivent dans le cadre de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique de l’employeur ou si ces faits sont abusifs.
Monsieur V. a relaté différents propos qu’aurait tenus Monsieur C., sans en rapporter la preuve. La Cour du travail de Bruxelles a considéré que bien qu’il était peu probable que Monsieur V. ait inventé ces propos, ces derniers n’étant pas confirmés par des témoignages, ces propos ne peuvent valoir présomption de harcèlement moral au travail.
La Cour a estimé que le fait que l’évaluation de Monsieur V. ait duré 9 heures n’est pas révélateur d’un comportement abusif dans le chef de Monsieur C., Monsieur V. n’ayant du reste pas contesté la teneur du rapport d’évaluation.
La Cour a également considéré que les nombreux courriels adressés par Monsieur C. à Monsieur V. les mois suivant l’évaluation ne sont pas de nature à permettre de présumer l’existence de harcèlement moral au travail. Ces courriels relevaient de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique de l’employeur.
Monsieur V. a déposé des rapports de son psychiatre faisant état d’une situation dépressive majeure et d’un burn-out en lien direct avec « des relations interpersonnelles très problématiques travail (harcèlement) » ainsi qu’un rapport de sa psychothérapeute, parlant d' « un syndrome dépressif majeur clairement consécutif au harcèlement dont il a été victime pendant un an et au licenciement abusif qui s'en est suivi ».
La Cour a considéré que ces rapports ne peuvent constituer un élément faisant présumer un harcèlement moral au travail dès lors qu'ils sont basés uniquement sur les déclarations de Monsieur V. et qu'ils ne précisent nullement la nature des faits reprochés.
La Cour a en conséquence déclaré la demande d’indemnisation pour harcèlement moral au travail non fondée.
Qu’en penser ?
Des rapports de psychiatre ou de psychologue dans lesquels la nature des faits reprochés n’est pas précisée et qui se basent uniquement basés sur les déclarations du travailleur ne suffisent pas pour démontrer des faits qui permettent de présumer un harcèlement moral au travail.
Réf . : C. trav. Bruxelles, 19 mars 2025, R.G. 2021/AB/777