23-11-2016

Abandon de poste dans la fonction publique?: l’incidence du motif invoqué pour justifier l’absence

 

Le Statu CAMU prévoit, en son article 112, §3, 5°, que l’agent qui "sans motif valable, abandonne son poste et reste absent pendant plus de dix jours ouvrables et qui a été dûment et préalablement averti et interpellé", perd d’office et sans préavis la qualité d’agent.

Avant de prononcer la démission d’office pour abandon de poste, l’autorité qui constate l’absence de son agent a l’obligation d’inviter ce dernier à exposer les motifs de son absence.

Dans un arrêt du 4 octobre 2016 rendu par la IXème chambre, néerlandophone, le Conseil d’Etat interprète, de façon plus stricte encore, les conditions de la démission d’office pour abandon de poste.

En l’espèce, un agent du SPF Finances n’avait pas repris ses fonctions après un congé pour mission à la Commission européenne. Le SPF l’a interpellé, à plusieurs reprises, sur les motifs de son absence. L’agent a notamment fait valoir qu’il avait omis de demander un renouvellement de son congé car, cette fois, le SPF ne lui avait pas rappelé l’échéance de son congé pour mission. Il annonce avoir, depuis lors, introduit une nouvelle demande de prolongement de son congé.

Suite à l’interpellation du SPF, l’agent n’a pas repris le service, et un arrêté royal portant sa démission d’office pour abandon de poste a été adopté.

Le Conseil d’Etat est saisi d’un recours contre cet arrêté royal. Après avoir rappelé que la démission d’office pour abandon de poste n’était pas une sanction disciplinaire, mais une mesure prise dans l’intérêt du service, il constate que dans l’esprit de l’article 112, §3, 5°, l’agent absent pendant dix jours est présumé avoir quitté volontairement le service.

Partant, la démission d’office ne pourra pas être constatée si la présomption d’abandon volontaire du service est renversée. Il est, à cet égard, indifférent que le motif invoqué pour justifier l’absence soit légal, ou illégal. Dès lors qu’il ressort des circonstances que l’agent n’a pas eu l’intention d’abandonner son poste, l’autorité ne peut prononcer la démission d’office pour ce motif.

En l’espèce, l’agent avait introduit – certes tardivement – une demande de prolongement de son congé. Le Conseil d’Etat relève que cette circonstance vient renverser la présomption d’abandon volontaire de poste, de sorte que l’autorité ne pouvait prononcer la démission d’office. Le comportement de l’agent est susceptible d’être sanctionné disciplinairement, mais ne constitue pas un abandon de poste au sens de l’article 112, §3, 5°, du Statut CAMU.

La IXème chambre s’éloigne ainsi de la jurisprudence francophone qui, plus proche du texte, invite l’autorité examiner si le motif est "valable". Suivant la jurisprudence néerlandophone, l’autorité doit vérifier si le motif invoqué, et les circonstances qui entourent l’absence, sont de nature à renverser la présomption d’un abandon volontaire du poste.

Qu’en penser ? Le Statut CAMU prévoit qu’un agent est démissionnaire s’il est absent pendant plus de dix jours sans motif valable. La jurisprudence néerlandophone du Conseil d’Etat va plus loin, puisqu’elle considère que l’autorité doit vérifier si les circonstances sont de nature à renverser la présomption d’abandon volontaire de poste, indépendamment de la légalité du motif invoqué.

 

Réf.: C.E. (IXème ch.), arrêt n° 235.974 du 4 octobre 2016, Libioulle

 

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