02-12-2016

Licencier un travailleur en raison d'une incapacité de travail peut être une discrimination sur la base du handicap, selon la Cour de Justice de Luxembourg

 

Le 1er décembre 2016, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu un arrêt dans lequel elle s’est penchée sur la notion de « handicap », en tant que critère protégé au sens de la directive 2000/78 ayant trait aux discriminations dans les relations de travail.

Les faits de la cause étaient les suivants: un travailleur, aide-cuisinier dans un restaurant, s’était cassé le coude sur son lieu de travail, ce qui avait entraîné une incapacité temporaire de travail. Environ un mois et demi plus tard, son employeur a pris la décision de le licencier – alors qu’il était encore en incapacité de travail et n’était donc pas revenu travailler - au motif qu’il «ne répondait pas aux attentes de l’entreprise et n’avait pas atteint le rendement qu’il juge adéquat dans l’accomplissement des tâches correspondant à son poste de travail».

Le tribunal du travail espagnol, saisi du recours introduit contre ce licenciement, a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de Justice, dont celle de savoir si le licenciement d’un travailleur pour incapacité temporaire de travail suite à un accident de travail relevait de la notion de discrimination directe fondée sur le critère du handicap.

Dans son arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu que l’incapacité de travail – même temporaire - pouvait constituer un handicap au sens de la directive 2000/78 étant donné que la fracture au coude constituait effectivement une atteinte physique limitant sa capacité à exercer sa fonction. Encore faut-il, poursuit la Cour, que cette atteinte puisse être considérée comme durable.

Par durable, la Cour a estimé qu’il y avait lieu d’entendre le fait que "la limitation de la capacité de la personne concernée ne présente pas une perspective bien délimitée quant à son achèvement à court terme" ou le fait que "cette incapacité est susceptible de se prolonger significativement avant le rétablissement de ladite personne". Afin de démonter ce critère de durabilité de l’incapacité, il convient de se fonder sur des éléments objectifs tels des certificats médicaux.

Le juge doit donc déterminer si, en l’espèce, l'incapacité de travail est durable. Si tel est le cas, le licenciement pourrait être considéré comme une discrimination sur la base du handicap. Cela n'empêche cependant pas l'employeur de démontrer que des aménagements raisonnables pour le retour au travail était impossibles.

Par cet arrêt, la Cour confirme l’évolution de sa jurisprudence sur la notion extensive et fonctionnelle du ‘handicap’ en matière de relations de travail.

A noter qu’en droit belge, la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination (transposant la directive 2000/78) consacre comme critère protégé – outre le handicap - l’état de santé actuel ou futur du travailleur. Il est donc possible qu’un travailleur licencié pendant une période d’incapacité de travail décide d’invoquer ces deux critères protégés pour tenter de faire reconnaître son licenciement comme étant discriminatoire et, partant, réclamer une indemnité correspondant à six mois de rémunération (ou à un montant supérieur à charge pour lui de démontrer l’étendue de son préjudice).

Qu’en retenir ?

Face au licenciement d’un travailleur pendant une période d’incapacité de travail, il est recommandé à l’employeur:

- d'être prudent quant à la justification du licenciement par l’état de santé du travailleur ;

- d'examiner, préalablement au licenciement, la possible mise en place d' "aménagements raisonnables" si cette incapacité de travail a un caractère durable.

Réf.: C.J.U.E.(3ème ch.), 1er déc. 2016, aff. C-395/15, Daouidi c. Bootes Plus SL, Fondo de Garantia Salarial, Ministerio Fiscal.

 

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