10-02-2017

Prendre une «pause cigarette» sans la décompter de son temps de travail peut-il constituer un motif grave ?

 

Le travailleur qui quitte les locaux de son entreprise pour aller fumer une cigarette au dehors, comme cela lui est imposé, diminue son temps de travail effectif au service de son employeur. Certains ont calculé que cela pouvait vite revenir à l’équivalent de deux journées de travail par an, pour les plus gros fumeurs…

Il paraît donc logique que, face à un tel phénomène, l’employeur exige que le travailleur concerné décompte ce temps de pause.

S’il ne le fait pas, peut-il être licencié pour motif grave ?

C’est à cette question que répond un arrêt prononcé par la Cour du Travail de Mons le 2 décembre 2016.

L’employeur avait licencié un travailleur pour motif grave en lui reprochant d’avoir pris une pause pour aller fumer sans l’enregistrer à la pointeuse. Il avait calculé que cette pause avait duré 34 minutes et que ces minutes avaient été payées au travailleur.

Il ajoutait, d’une part, que l’attitude du travailleur était contraire aux règles figurant dans le règlement de travail, et qui précisent que les pauses ne font pas l’objet d’une rémunération et qu’il est dès lors nécessaire de pointer au début et à la fin de chaque pause, et que, d’autre part, il avait dénombré 5 autres pauses prises sans les enregistrer.

Le travailleur contestait la décision de l’employeur.

Dans son arrêt, la Cour du Travail de Mons relève que le travailleur ne conteste pas avoir commis des « erreurs de pointage » lors de 2 pauses. Il les explique par un surcroît de travail. Quant aux autres faits, il invoque « de simples oublis ».

La Cour poursuit en en considérant qu’en s’abstenant de pointer au début et à la fin des pauses qu’il a prises, le travailleur s’est rendu coupable de négligences fautives. La gravité de ces manquements doit, toutefois, être appréciée de manière raisonnable.

La Cour constate ainsi que les manquements observés dans les pointages du travailleur sont peu nombreux depuis son entrée en service et qu’il n’est pas démontré qu’un avertissement lui avait déjà été adressé préalablement pour des faits semblables. Elle pointe le manque de contrôle, par l’employeur, du respect des règles imposées et l’absence d’intention frauduleuse dans le chef du travailleur. Elle en déduit que la faute du travailleur ne justifiait pas un licenciement pour motif grave.

Qu’en retenir ?

Le temps de pause pris par un travailleur pour fumer une cigarette ne doit pas être rémunéré. Le non-respect, par le travailleur, des règles imposées au sein de l’entreprise pour s’assurer du respect de ce principe ne peut toutefois justifier un licenciement pour motif grave que si le travailleur a agi de manière frauduleuse ou après avoir déjà été averti suite au non-respect de ces règles, et que l’employeur veille à en assurer le respect effectif.

 

Réf.: Cour du Travail de Mons, 2 décembre 2016, RG n° 2015/AM/408

 

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