13-03-2017

Quels sont les « éléments nouveaux » qui justifient l’introduction d’une nouvelle demande de suspension devant le Conseil d’Etat ?

 

Depuis la réforme de janvier 2014, les conditions d’introduction d’une demande en suspension devant le Conseil d’Etat ont été modifiées. La demande ne sera accueillie que si l’urgence est démontrée, et qu’un moyen sérieux est invoqué.

Par ailleurs, la demande de suspension peut être introduite non seulement en même temps que le recours en annulation, mais également après l’introduction de celui-ci. Il est, dès lors, loisible au requérant d’introduire plusieurs demandes de suspension au cours de la procédure.

Pour éviter les abus, le législateur a précisé que, si une demande de suspension est rejetée en raison du défaut d’urgence, une nouvelle demande ne pourra être introduite que « si elle s’appuie sur des nouveaux éléments justifiant l’urgence » (art. 17, §2, al. 3, des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat).

L’arrêt commenté donne une application, dans le contentieux de la fonction publique, de la notion d’« éléments nouveaux », susceptibles de justifier une nouvelle demande de suspension.

En l’espèce, le requérant sollicite l’annulation de la décision lui infligeant la sanction de la démission d’office. La demande de suspension, introduite en même temps que la requête en annulation, a été rejetée pour défaut d’urgence. Dans sa nouvelle demande, le requérant invoque, au titre d’éléments nouveaux, des éléments établissant ses charges financières et sa situation psychologique, et un article paru à son sujet dans la presse.

 A la lumière des travaux préparatoires, le Conseil d’Etat rappelle que seules deux catégories d’évènements peuvent constituer des « éléments nouveaux », au sens de la législation: 

  • un inconvénient qui n’existait pas ou n’apparaissait pas lors de la première demande et qu’il n’était pas possible d’apercevoir à ce moment-là;
  • un fait, survenu après le prononcé de l’arrêt de rejet de la première demande, qui vient aggraver l’urgence, sous l’angle de l’immédiateté du préjudice ou du point de vue de la gravité des inconvénients redoutés.

 

A l’estime du Conseil d’Etat, les éléments relatifs aux charges financières et à la situation psychologique existaient déjà au moment de la première demande. Par ailleurs, l’article de presse n’est qu’une modulation d’un inconvénient qui existait déjà puisque, dans la mesure où le nom du requérant n’est pas cité, il ne pourra être reconnu que par les personnes qui avaient déjà connaissance de la sanction. Le Conseil d’Etat note également que le requérant n’a pas demandé la dépersonnalisation de l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat. Dès lors, si l’article fait référence à une procédure introduite devant le Conseil d’Etat, l’inconvénient qui en résulte est imputable au requérant, qui avait la possibilité d’éviter cette publicité.

 

Qu’en retenir ?

 

Il ne suffit pas de produire de nouveaux éléments probants pour fonder une nouvelle demande de suspension. Il doit s’agir d’éléments dont le requérant ne pouvait avoir connaissance au moment de l’introduction de la demande, ou d’éléments, survenus après le prononcé de l’arrêt, qui viennent renforcer l’immédiateté ou la gravité du préjudice. La parution d’un article de presse n’est pas un «?élément nouveau?» si seules les personnes qui ont déjà connaissance de la décision peuvent identifier le requérant, et que ce dernier n’a pas demandé la dépersonnalisation de l’arrêt du Conseil d’Etat.

 

Réf.?: C.E., arrêt n° 237.468 du 23 février 2017, L.H.

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