06-09-2017

Le 5 septembre 2017, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a rendu un arrêt concluant – à 11 voix contre 6 - à la violation, par la Roumanie, du droit au respect de la vie privée d’un travailleur qui avait été licencié pour faute grave uniquement pour avoir utilisé son compte e-mail professionnel à des fins privées en violation des règles internes à la société et non pour un autre motif qui aurait été découvert par la surveillance de ce compte e-mail.

La Cour mentionne, tout d'abord, que les communications électroniques du travailleur sur son lieu de travail devaient être protégées au titre de la vie privée même si ce dernier était au courant que tout usage privé des moyens mis à sa disposition par la société était expressément prohibé par un règlement interne.

A cet égard, la Cour précise que si les attentes raisonnables en matière de vie privée du travailleur n’étaient pas certaines, il n’en demeure pas moins que l’employeur ne peut réduire à néant l’exercice de la vie privée sociale sur le lieu de travail.

Dans un second temps, la Cour considère que l’Etat roumain, à travers ses juridictions, a failli à son obligation positive de protéger la vie privée de ce travailleur dès lors:

-   que ce dernier n’était pas au courant de la nature ni de l’étendue du contrôle opéré sur ses communications et notamment de l’accès au contenu de celles-ci;

-   que les juridictions saisies n’avaient pas suffisamment vérifié la présence d’objectifs légitimes à cette stricte surveillance ni l’adéquation entre ces motifs et la décision de licencier le travailleur, lequel n’avait, en réalité, pas exposé l’entreprise à aucun risque;

-   que les juridictions n’avaient pas examiné si l’employeur aurait pu atteindre ces mêmes objectifs en portant une atteinte plus légère à la vie privée du travailleur;

-   que ces juridictions n’avaient pas analysé la gravité des conséquences des mesures de surveillance;

-   que les juridictions internes ne s’étaient pas intéressés à la question de savoir si l’employeur avait pris connaissance du contenu des communications à l’insu du travailleur.

 

Qu’en retenir ?

 

A la lecture de cet arrêt, il ne serait pas possible pour un employeur d’exclure toute notion de vie privée au travail, et ce même s’il interdit tout usage privé des moyens de communication qu’il met à disposition de ses travailleurs.

Par ailleurs, cet arrêt invite les employeurs à prévoir – outre l’interdiction de l’usage privé des moyens de communication professionnels - des règles les plus détaillées possibles quant à la surveillance opérée sur ces communications (finalités, conditions pour une surveillance individuelle, etc).

De manière plus générale, cet arrêt confirme la complexité et l’évolution constante de la question de la surveillance des communications électroniques des travailleurs.

 

Réf.: Cour eur. dr. h., Gde ch., arrêt Barbulescu c. Roumanie, 5 septembre 2017.

 

 

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