26-06-2018

La question de l’incapacité définitive du travailleur, qui est susceptible d’entraîner la rupture du contrat de travail avec effet immédiat et sans préavis ni indemnité, a fortement évolué au cours des derniers temps. Elle est notamment appréciée, aujourd’hui, au regard de l’application de la réglementation anti-discrimination.

L’arrêt prononcé par la Cour du Travail de Bruxelles le 23 octobre 2017 nous en donne un exemple.

Une société active dans le secteur de la construction occupe un ouvrier qui exerce la fonction de charpentier-coffreur. Celui-ci est victime d’un accident du travail qui lui occasionne une lésion au coude. Le conseiller en prévention-médecin du travail préconise la reprise d’un travail allégé sans port de charges.

C’est dans ces conditions que l’employeur propose au travailleur de suivre une formation de conduite de grue à tour. Durant celle-ci, l’ouvrier est victime d’un second accident du travail qui l’empêche de terminer sa formation. En outre, le conseiller en prévention-médecin du travail délivre un certificat d’inaptitude définitive pour la fonction de charpentier-coffreur.

C’est sur cette base que l’employeur met alors fin au contrat de travail en se prévalant de l’incapacité définitive du travailleur.

Ce dernier conteste la décision de son employeur et invoque notamment le fait qu’il serait victime d’une discrimination basée sur son handicap.

Dans son arrêt, la Cour du Travail commence par examiner la question de l’existence d’un handicap dans le chef du travailleur. Elle constate que celui-ci s’est vu reconnaître un taux d’incapacité définitive de 12% par l’assureur-loi et qu’il a été reconnu définitivement inapte pour l’exercice de fonction nécessitant le port de charges lourdes. La Cour en déduit l’existence d’un handicap, c’est-à-dire d’une atteinte physique affectant la pleine participation du travailleur à la vie professionnelle.

La Cour du Travail analyse ensuite les mesures prises par l’employeur. Elle reconnaît que celui-ci a mis en place des aménagements raisonnables, puisqu’il a proposé au travailleur de suivre une formation pour exercer la fonction de conducteur de grue à tour. Toutefois, lorsqu’il s’est agi d’achever cette formation après que le travailleur ait du l’interrompre suit à son second accident du travail, l’employeur a fait valoir qu’il ne disposait plus de poste de conducteur de grue à tour. La Cour relève cependant qu’au sein de l’entreprise, il existait plusieurs postes dans lesquels les travailleurs cumulaient une autre fonction avec celle de conducteur de grue à tour. Elle souligne que l’employeur ne démontre pas qu’il n’aurait pas pu réorganiser le travail pour confier au travailleur reconnu définitivement inapte d’être affecté à temps plein à une fonction de conducteur de grue à tour.

La Cour du Travail conclu donc à l’existence d’une discrimination et condamne l’employeur au paiement de l’indemnité prévue par la loi, soit 6 mois de rémunération.

 

Qu’en penser ?

 

L’employeur qui entend se prévaloir de l’incapacité définitive du travailleur pour rompre le contrat de travail sans préavis ni indemnité doit être en mesure, lorsque cette incapacité définitive constitue un handicap, de démontrer qu’il n’était pas en mesure de reclasser ce travailleur dans une autre fonction au sein de l’entreprise. Cette preuve doit être établie de façon rigoureuse.

 

Réf. : C.T. Brux., 23 oct. 2017, R.G. n° 2015/AB/934

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