03-09-2018

Le droit à la liberté d’expression du travailleur et ses limites donne lieu à une jurisprudence abondante.

De manière générale, l’appréciation du caractère déraisonnable d’un licenciement suite à l’exercice par le travailleur de sa liberté d’expression semble varier en fonction des circonstances de l’espèce.

En date du 26 février 2018, la Cour du travail de Liège a rendu un arrêt assez éclairant, par lequel elle confirme l’existence du droit du travailleur à la liberté d’expression tout en posant également des limites de manière relativement claire et précise.

Un travailleur engagé au sein d’une A.S.B.L. de placement familial agissant dans le cadre règlementaire de la Protection de la jeunesse en qualité d’assistant social intervient de manière anonyme dans le cadre d’une émission de radio consacrée à l’adoption.

Suite à cette intervention, son employeur le licencie moyennant l’octroi d’une indemnité compensatoire de préavis.

Le travailleur estime que son licenciement est manifestement déraisonnable.

La Cour indique que le fait pour un travailleur d’exprimer une opinion politique, même contraire à celle de son employeur, ne peut constituer un élément justifiant un licenciement pour motif grave dans le chef du travailleur.

En effet, le droit de s’exprimer librement vaut pour « toute personne », y compris les travailleurs et ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise.

Les travailleurs engagés sous contrat de travail ne sont pas tenus à un devoir de réserve comme le sont les fonctionnaires.

En l’espèce, le travailleur n’a fait que donner son avis quant au processus de placement en famille d’accueil d’un point de vue financier. Dans ce cadre, il parle uniquement dans l’intérêt des enfants et ne critique ni son employeur ni le fonctionnement de l’A.S.B.L. au sein de laquelle il était engagé.

Contrairement à ce que soutenait l’employeur, l’intervention de son travailleur se limitait à un avis personnel sur un système législatif en vigueur dans son milieu professionnel.

La Cour décide, dès lors, qu’en réagissant à une émission de radio de manière anonyme pour parler, non pas de son employeur, mais d’une situation qui concerne tout citoyen lambda, le travailleur ne commet aucune faute.

Il ne suffit, en effet, pas qu’un motif de licenciement soit lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur, il faut, en outre, qu’il soit raisonnable ou légitime.

En l’espèce, le travailleur n’a fait qu’user de sa liberté d’expression, dès lors son licenciement est manifestement déraisonnable au sens de la CCT n°109, les motifs invoqués par l’employeur ne pouvant justifier une telle réaction.

 

Qu’en penser ?

Un travailleur engagé sous contrat de travail jouit, comme toute personne, du droit à la liberté d’expression. Il peut, à ce titre, intervenir pour exprimer une opinion personnelle dans le cadre d’une émission de radio de manière anonyme notamment pour critiquer un système législatif auquel il est confronté dans l’exercice de sa profession. Il faut cependant garder à l’esprit certaines limites, à savoir notamment que le travailleur ne peut ni critiquer son employeur, ni son fonctionnement, ni porter atteinte aux règles déontologiques qui lui sont applicables.

 

Réf. : C.T. Liège., 26 février 2018, R.G. n°14/2895/A

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