02-10-2018

On sait que suivant l'article 35, alinéa 3, de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, le congé pour motif grave ne peut plus être donné sans préavis ou avant l'expiration du terme, lorsque le fait qui l'aurait justifié est connu de la partie qui donne congé depuis trois jours ouvrables au moins.

Suivant une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, le fait est connu de l'employeur « lorsque celui-ci a, pour prendre une décision en connaissance de cause quant à l'existence de ce fait et des circonstances de nature à lui attribuer le caractère d'un motif grave, une certitude suffisant à sa propre conviction et aussi à l'égard de l'autre partie et de la justice ».

La jurisprudence reconnaît à l'employeur le droit, avant de prendre la décision de rompre le contrat de travail pour motif grave, de procéder à des mesures d'instruction préalables en vue d'asseoir sa conviction.

Encore faut-il préciser que l'audition du travailleur avant son renvoi pour motif grave ne peut servir de prétexte à seule fin de déclencher à nouveau le délai de trois jours prévu par l'article 35 de la loi sur les contrats de travail dès lors que celui-ci avait déjà expiré.

L’arrêt prononcé par la Cour du Travail de Liège le 20 septembre 2018 le rappelle fort à propos.

Un travailleur est licencié pour motif grave par son employeur qui lui reproche, en substance, de s’être absenté 3 jours après son retour programmé de vacances, le 31 août, et cela sans justification. Cette absence a, selon l’employeur, entraîné la réaction négative de deux clients.

Le travailleur est convoqué par à une réunion en présence du Directeur Général et du DRH le 14 septembre ; il est licencié pour motif grave le jour même.

Dans le cadre de la procédure judiciaire, le travailleur conteste notamment le respect, par l’employeur, du délai de 3 jours ouvrables prévu par l’article 35 de la loi du 3 juillet 1978.

La Cour du Travail retient l’argument.

Elle relève tout d’abord que dès le 7 septembre, le Directeur Général et le DRH ont été informés de l’absence injustifiée du travailleur. Il n’est pas établi qu’entre cette date et celle de la réunion, programmée le 14 septembre, d’autres mesures d’investigation aient été entreprises par l’employeur.

L’employeur ne produit par ailleurs pas, ni de convocation adressée au travailleur en prévision de la réunion du 14 septembre, ni de procès-verbal de cette réunion. Il ne démontre donc pas qu’à l’occasion de cette réunion, il aurait pris connaissance d’éléments complémentaires à ceux qui étaient déjà en sa possession depuis le 7 septembre, et qui l’auraient amené à décider de licencier le travailleur pour motif grave, cependant que le travailleur conteste avoir été amené à s’expliquer et avance que la décision de le licencier pour motif grave lui aurait été notifiée immédiatement.

Le licenciement est donc tardif et l’employeur est tenu de payer au travailleur une indemnité compensatoire de préavis.

 

Qu’en penser ?

 

En cas de licenciement pour motif grave, il peut être utile d’entendre le travailleur. II faut cependant que lors de cet entretien, le travailleur ait effectivement été entendu sur les faits qui lui sont reprochés. L'employeur ne peut sous prétexte d'une enquête déjouer les règles du délai de 3 jours et faire courir un nouveau.

Il peut être utile de rédiger une convocation écrite et de dresser un procès-verbal de l’audition du travailleur.

 

 

Réf. : C.T. Liège (div. Liège), 20 sept. 2018, RG n° 2017/AL/406

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