05-11-2018

La Cour d’Appel d’Anvers a rendu, le 17 septembre 2018, un arrêt intéressant qui analyse la légitimité d’un « piquet de grève ».

Une grève avait débuté le 20 mars dans les locaux d’une société X. Des négociations avaient débuté entre les syndicats et la direction. Un huissier avait par ailleurs été mandaté par la société le 22 mars 2017 et avait opéré divers constats.

Il avait notamment constaté que l’accès des marchandises aux camions était impossible du fait d’une chaîne humaine d’une quarantaine de personnes. Un autre accès avait été également rendu impossible du fait du placement d’un objet empêchant le passage. L’huissier avait demandé que place soit faite mais les travailleurs avaient refusé se déplacer et de donner leur identité. Les travailleurs avaient également fait en sorte que l’accès à une cour intérieure soit impossible pour les camions, la porte y donnant accès se voyant bloquée par la position d’un gant de travail devant une cellule. Enfin, les travailleurs s’étaient assis sur les stocks pour éviter qu’ils ne soient déplacés et avaient à nouveau réalisé des chaînes humaines.

Sur cette base, la société avait saisi le président du Tribunal de Première instance sur requête unilatérale pour faire cesser l’action collective et le piquet en cours sur son site anversois. Le président avait rendu une ordonnance favorable à l’employeur le 22 mars 2017, aussitôt contestée par un recours en tierce opposition de la part de représentants syndicaux. Le recours avait échoué, une décision du 30 mai 2017 jugeant les demandes désormais sans objet.

Les représentants syndicaux firent appel de la décision, amenant la Cour d’appel à se prononcer.

La Cour d’appel rappelle d’abord qu’une requête unilatérale n’est envisageable qu’en cas d’absolue nécessité, suivant l’article 584 du Code judiciaire. Dans ce cadre, le président du Tribunal de première instance est habilité à prendre une ordonnance en matière d’action collective, dès lors qu’est dépassé le cadre de l’exercice normal et habituel du droit d’action collective.

Analysant la situation factuelle dans l’entreprise, la Cour d’appel va juger que les travailleurs n’ont fait qu’un usage légitime de leur droit de grève garanti par l’article 6.4 de la Charte sociale européenne. La Cour remarque que l’action collective a été pacifique, qu’il n’y a pas eu de violence ni de menaces et qu’aucun dommage n’a été causé à l’entreprise. L’ensemble des actions réalisées ne peut être considéré comme une intimidation mais uniquement comme l’exercice légitime d’un droit fondamental.

De plus, la Cour relève que les travailleurs non-grévistes ont pu rejoindre la société et qu’ils n’ont pas été menacés. Les procès-verbaux de l’huissier ne font état d’aucune intimidation ou menace de la part des syndicalistes pour que les autres travailleurs arrêtent également le travail. Les représentants syndicaux étaient, quant à eux, identifiables, et l’action collective était menée par les travailleurs de la société et leurs représentants syndicaux. On ne pouvait donc considérer qu’il y avait absolue nécessité au sens de l’article 584 du Code judiciaire.

La Cour d’appel d’Anvers considère en conséquence l’appel recevable et fondé.

 

Qu’en penser ?

 

Dans le cadre de l’exercice du droit de grève, le recours au « piquet de grève » n’est pas, en soi, illégal.

Il ne le devient que s’il est objectivement démontré qu’il s’accompagne d’atteintes illégitimes aux droits des travailleurs non-grévistes qui sont empêchés de travailler, ou d’atteintes aux biens de l’entreprise.

 

Réf. : Cour d’appel d’Anvers, 17 septembre 2018, R.G. n° 2017/RK/31

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