01-04-2019

Par un jugement du 24 avril 2018, le Tribunal du Travail de Liège a jugé disproportionnée une clause reprise dans la « car policy » qui obligeait un travailleur à payer, à fonds perdu, une somme de 4.383,84 au motif qu’elle compensait le surcoût que représentait la mise à disposition d’un véhicule de catégorie supérieure.

Monsieur D. est entré au service de la S.A. S. le 1er janvier 2015 en qualité d’employé « experienced engineer ». Il disposait, à titre de véhicule de société, d’une Skoda Octavia.

Au mois de mars 2016, un nouveau véhicule devait être commandé. Monsieur D a sollicité un véhicule de catégorie supérieure. Pour ce faire, Monsieur D. a accepté de prendre en charge la différence de prix entre le véhicule auquel il avait droit et celui qu’il avait choisi, et cela à concurrence d’un montant de 91,33 € par mois. Cette possibilité était par ailleurs expressément prévue par une clause de la « car policy ».

Monsieur D. a démissionné en date du 25 novembre 2016, sans avoir jamais utilisé le véhicule.

Se fondant sur la clause de la « car policy », son employeur a imputé sur le décompte de sortie dû à Monsieur D. une somme nette de 4.383,84 €, représentant 48 mensualités découlant de l’acquisition de ce véhicule (soit 48 mois x 91,33 €).

Monsieur D. conteste cette retenue devant les juridictions du travail.

Dans un jugement du 24 avril 2018, le Tribunal du Travail de Liège fait droit à la demande de Monsieur D.

Le Tribunal rappelle tout d’abord qu’au terme de l’article 23 de la loi du 12 avril 1965, l’employeur ne peut compenser les sommes qu’il doit au travailleur et celles dont celui-ci lui serait redevable qu’à concurrence des sommes qui ne constituent pas de la rémunération au sens strict.

Ensuite, et en ce qui concerne la clause litigieuse reprise dans la « car policy », le Tribunal souligne qu’il n’y a rien de choquant ou d’illégal à retenir, avec l’accord du travailleur, le surcoût que représente le choix d’un véhicule de catégorie supérieure.

Néanmoins, selon le Tribunal, cette situation se complexifie en fin de contrat puisque le travailleur continue à payer l’avantage en nature alors qu’il ne dispose plus du véhicule.

La juridiction observe que cette possibilité était prévue dans une convention du 22 mars 2016 signée en parties.

Le Tribunal constate, se référant à la jurisprudence selon laquelle la la validité d’une telle clause est évaluée à la lumière de l’article 6 de la loi du 3 juillet 1978, que la clause litigieuse alourdit singulièrement les obligations mises à charge du travailleur en cas de rupture du contrat et limite également son droit à rechercher un autre emploi.

Selon la juridiction, dès lors que le législateur a fixé les obligations du travailleur en fin de contrat par l’adoption des articles 37 et 37/2 §2, toute clause alourdissant ses obligations par une indemnité quelconque est nulle.

Enfin, le Tribunal relève le caractère disproportionné de la clause litigieuse : Monsieur D aurait dû payer, à fonds perdu, plus de 4.000,00 € alors que l’employeur pouvait limiter son dommage en mettant le véhicule à disposition d’un autre travailleur ou encore en rompant le contrat de leasing.

 

Qu’en penser ?

 

Si une clause reprise dans une « car policy » visant à mettre à charge du travailleur le surcoût d’un véhicule de catégorie supérieure n’a rien d’illégal durant les relations contractuelles entre parties, une telle clause alourdit les obligations du travailleur en cas de rupture du contrat en violation de l’article 6 de la loi relative aux contrats de travail et est, par conséquent, nulle.

Le caractère disproportionné de la clause peut également être pris en compte notamment lorsque l’employeur peut prendre certaines dispositions afin de limiter son dommage.

 

Réf. : T.T. Liège, div. Liège, 24 avril 2018, R.G. 17/2018/A.

 

 

 

 

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