25-04-2019

Dans un jugement du 27 novembre 2018, le Tribunal du Travail de Liège se prononce sur la question de l’admissibilité, à titre de preuve, de l’enregistrement d’une conversation téléphonique réalisée par une travailleuse à l’insu de l’employeur.

Une travailleuse avait été engagée au service d’une SPRL X en qualité d’ouvrière dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, à temps partiel, à raison de 20 heures/semaine à dater du 25 octobre 2013.

Selon l’employeur, un avenant au contrat de travail avait été ensuite signé entre les parties au mois de mars 2015 portant la durée de travail hebdomadaire à 28 heures pour la période du 1er mars 2015 au 1er février 2017. La travailleuse soutenait toutefois que cet horaire effectif de 28 heures/semaine avait été presté sans qu’aucun avenant n’ait été établi.

La travailleuse s’est ensuite trouvée en incapacité de travail, puis en repos d’accouchement du 15 février 2016 au 10 février 2017. Elle a repris le travail le 13 février 2017.

Dans le cadre d’une demande de chômage complémentaire, l’organisation syndicale de la travailleuse a sollicité de l’employeur qu’il communique l’avenant litigieux.

Quelques jours plus tard, la SPRL X invitait la travailleuse à se présenter en ses bureaux afin de signer l’avenant de 28 heures.

A cette occasion, la travailleuse a signé un « duplicata » de l’avenant. Toutefois, après avoir quitté les lieux la travailleuse regrettant son geste s’est ravisée considérant le document comme étant contraire à la vérité et jouant en sa défaveur.

La travailleuse est ensuite licenciée par la société X. pour motif grave.

Elle conteste son licenciement devant les juridictions du travail.

Dans le cadre de la procédure judiciaire, la travailleuse souhaitait produire l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’elle avait eue avec la gérante de la société X. afin de démontrer que l’avenant litigieux avait en réalité été antidaté.

Le Tribunal, après avoir rappelé la controverse existant au sujet de la production en Justice d’une preuve recueillie au mépris des règles relatives au respect de la vie privée,  relève néanmoins que cette question a évolué ces dernières années à la lumière des arrêts « Antigone » et « Manon » prononcés par la Cour de Cassation, et qui permettent l’admission de preuves recueillies irrégulièrement sauf violation d’une règle prescrite à peine de nullité ou si la preuve ainsi recueillie est de ce fait peu fiable ou encore en cas de violation du principe du procès équitable.

Appliquant cet enseignement au cas d’espèce, le Tribunal considère que l’enregistrement d’une conversation téléphonique professionnelle, même à l’insu de l’un des interlocuteurs, dont il ressort qu’aucun avenant n’avait été signé entre parties et qui permet, dès lors, de démontrer que le document produit est contraire à la vérité est un moyen, certes, irrégulier mais proportionné au but recherché à savoir se réserver une preuve d’un comportement illégal par un moyen irrégulier, même peu loyal, mais relativement peu attentatoire au respect dû à la vie privée.

L’enregistrement litigieux n’est par conséquent pas écarté des débats.

 

Qu’en penser ?

 

Dès lors qu’il permet de démontrer qu’un fait est contraire à la vérité, un enregistrement à l’insu d’un des interlocuteurs, s’il est certes irrégulier, demeure proportionné au but recherché, à savoir se réserver la preuve d’un comportement illégal par un moyen irrégulier voire peu loyal mais peu attentatoire du droit au respect de la vie privée.

Par application du principe de proportionnalité, certaines juridictions admettent la recevabilité des preuves recueillies illégalement dans le cadre d’une procédure judiciaire. Néanmoins, la règle n’est pas admise de façon générale, l’admission de telles preuves semblant dépendre des circonstances de la cause.

 

Réf. : T.T. Liège, div. Liège, 27 novembre 2018, R.G. 17/4153/A.

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