28-05-2019

Dans arrêt du 16 mai 2019, la Cour de Justice de l’Union européenne se prononce quant aux droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprise intervenu dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice.

Cette décision fait suite à une question préjudicielle de la Cour du Travail d’Anvers.

Une travailleuse disposant d’une ancienneté de 20 ans est licenciée par son employeur. Ce dernier fait l’objet d’un transfert sous autorité de justice dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire.

Dans le cadre du transfert, l’entreprise cessionnaire a offert de reprendre 164 travailleurs, dont la travailleuse ne fait pas partie, ce qu’elle conteste.

L’employeur lui oppose l’article 61, §4, de la loi relative à la continuité des entreprises (L.C.E.) qui donne au cessionnaire le droit de choisir les travailleurs qu’il souhaite ou non reprendre pour autant que son choix soit dicté par des raisons techniques, économiques et organisationnelles et qu’il n’y ait pas de différenciation interdite.

La travailleuse conteste la décision de son employeur.

En effet, la Directive 2001/23, y compris son article 3, §1er, tend à assurer le maintien des droits des travailleurs en cas de changement de chef d’entreprise en leur permettant de rester au service du nouvel employeur dans les mêmes conditions que celles convenues avec le cédant. Son article 4, §1er, prévoit quant à lui que le transfert d’entreprise ne constitue pas en lui-même un motif de licenciement pour le cédant ou le cessionnaire, sauf s’il existe des raisons économiques, techniques ou organisationnelles qui impliquent des changements sur le plan de l’emploi.

La Cour du Travail d’Anvers interroge la C.J.U.E. afin de savoir si « La Directive 2001/23, notamment ses articles 3 à 5, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une législation nationale […] qui, en cas de transfert d‘une entreprise intervenu dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice appliquée en vue du maintien de tout ou partie du cédant ou de ses activités, prévoit, pour le cessionnaire, le droit de choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre ».

La C.J.U.E. relève, d’abord, qu’aux termes de l’article 5, §1er, de la Directive 2001/23, les articles 3 et 4 ne s’appliquent pas aux transferts d’entreprises lorsque le cédant fait l’objet d’une procédure de faillite ou d’une procédure d’insolvabilité analogue ouverte en vue de la liquidation des biens du cédant et se trouvant sous le contrôle d’une autorité publique compétente.

La Cour estime que l’article 5 prévisé doit faire l’objet d’une interprétation stricte dès lors qu’il s’écarte de la protection conférée aux travailleurs. Il s’agit donc de déterminer si le transfert d’entreprise litigieux relève de l’exception de l’article 5 de la Directive. Pour ce faire, la Cour examine les 3 conditions cumulatives suivantes :

-        Le cédant doit faire l’objet d’une procédure de faillite ou d’insolvabilité analogue ;

-        La procédure doit être ouverte aux fins de la liquidation des bien du cédant ;

-        La procédure est sous le contrôle d’une autorité publique compétente.

Or, la Cour observe qu’une procédure de réorganisation judiciaire ne peut être considérée comme étant une procédure de faillite. Ensuite, il n’est pas question de la liquidation des biens puisque la procédure vise à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Enfin, le contrôle exercé par le mandataire dans le cadre de la procédure de réorganisation judiciaire est trop restreint pour être considéré comme un contrôle d’une autorité publique compétente.

Ce faisant, la Cour constate qu’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice ne satisfait pas aux conditions de l’article 5 ; le transfert ne relève pas de l’exception prévue à cette disposition. Par conséquent, les articles 3 et 4 de la Directive 2001/23 demeurent applicables au transfert litigieux.

Or, il ressort de la loi relative à la continuité des entreprises, précisément son article 61, que le cessionnaire a le droit de choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre, bien que ce choix doit être motivé par des raisons techniques, économiques et organisationnelles. Toutefois, le cessionnaire n’est soumis à aucune obligation de démontrer que les licenciements sont intervenus en raison de tels motifs.

Partant, selon la C.J.U.E., l’application de l’article 61 de la L.C.E. est de nature à compromettre sérieusement le respect de l’objectif de la directive prévisée, à savoir la protection des travailleurs contre les licenciements injustifiés en cas de transfert d’entreprise.

La CJUE constate, par conséquent, que la Directive 2001/23/CE s’oppose à une législation nationale qui, en cas de transfert d’une entreprise intervenu dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice appliquée en vue du maintien de tout ou partie du cédant ou de ses activités, prévoit, pour le cessionnaire, le droit de choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre.

 

Qu’en penser ?

 

En cas de transfert d’une entreprise intervenu dans le cadre d’une procédure de réorganisation judiciaire par transfert sous autorité de justice, et dès lors que celle-ci est appliquée en vue du maintien de tout ou partie du cédant ou de ses activités, les travailleurs doivent voir leurs droits maintenus. Toutefois, un licenciement peut intervenir pour des raisons techniques, économiques ou d’organisation, à condition que le cessionnaire démontre que le licenciement est effectivement intervenu pour de tels motifs.

 

Réf. : C.J., arrêt Plessers c. Prefaco sa, 16 mai 2019, C-509/17, EU:C:2019:424.

 

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