01-09-2016

Une blague de mauvais goût peut-elle justifier un licenciement pour motif grave ? (C.T. Mons, 27 mai 2016)

 

Un travailleur, engagé comme technicien dans une institution hospitalière, et par ailleurs élu en qualité de représentant du personnel tant au Conseil d’Entreprise qu’au CPPT, a appris, bien malgré lui sans doute, que l’on ne pouvait pas rire de tout avec n’importe qui et dans n’importe quelles circonstances.

Dans le contexte des attentats de Paris, commis le 13 novembre 2015, le gouvernement belge décida de faire passer le niveau d’alerte pour l’ensemble du pays à 3. En ce qui concerne Bruxelles, ce niveau était passé depuis le samedi 21 novembre 2015 au niveau 4.

Dans le cadre de la menace terroriste, et dans la mesure où les hôpitaux représentaient une cible privilégiée, ceux-ci furent invités à prendre des mesures particulières pour assurer la sécurité des patients.

C’est dans ce contexte particulier que l’intéressé décida, le 26 novembre 2015, de commettre un canular téléphonique auprès du Responsable du Service Gardiennage de l’hôpital, en se faisant passer pour un policier de la Cellule de l’OCAM afin de s’assurer que l’hôpital respectait bien le niveau 4 qui venait d’être imposé.

Cette communication entraîna la réaction des services de sécurité de l’hôpital qui, pris de panique, contactèrent les services de police pour vérifier l’information. Après avoir reçu la confirmation de la fausseté de l’information, ils identifièrent l’auteur du canular qui, après avoir vainement tenté de nier son implication, minimisa la portée de son geste.

L’employeur décida néanmoins d’initier la procédure préalable au licenciement prévue par la loi du 19 mars 1991, s’agissant d’un représentant du personnel bénéficiant d’une protection spécifique contre le licenciement.

Le Tribunal du Travail et, à sa suite, la Cour du Travail confirment que l’attitude du travailleur justifie un licenciement pour motif grave, sans préavis ni indemnité.

La Cour du Travail précise notamment que si la blague et la plaisanterie entre collègues, fût-ce sur les lieux du travail, n’est pas nécessairement une faute en soi, il convient toutefois d’examiner les faits in concreto, leur degré d’inadéquation dans les circonstances du moment et du lieu où ils se sont produits ainsi que leurs conséquences sur la relation de confiance devant présider aux relations de travail.

En l’espèce, la Cour retient qu’en alarmant le service de gardiennage par son canular, l’intéressé a pris le risque de perdre le contrôle de sa plaisanterie, ce qui s’est effectivement produit, entraînant des réactions en cascade qui étaient parfaitement proportionnées à la gravité de la menace potentielle dirigée contre une institution représentant une cible sensible et privilégiée, ce que n’ignorait pas le travailleur. Non content d’avoir alerté le gardiennage d’un hôpital dans le contexte terroriste du moment après s’être fait passer pour un membre de l’OCAM, comportement constitutif, par lui-même, d’une faute d’appréciation inacceptable, il a, par après, tenté d’échapper à ses responsabilités en niant, d’abord, être l’auteur du canular puis, ensuite, en rejetant la responsabilité de l’acte litigieux sur ses collègues. Ces faits étaient de nature à ébranler immédiatement et définitivement la confiance de l’hôpital et à justifier le licenciement pour motif grave de l’intéressé.

Qu’en penser ? Une plaisanterie, commise par un travailleur sur le lieu de travail, n’est pas nécessairement une faute en soi. Il en va toutefois différemment si, à l’examen des faits in concreto, de leur degré d’inadéquation dans les circonstances du moment et du lieu où ils se sont produits ainsi que de leurs conséquences, elle est de nature à entraîner la rupture du lien de confiance entre l’employeur et le travailleur.

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